catastrophe humanitaire en RDC : une guerre régionale et ethnique

Publié le par labetepensante

 

1. un conflit national : le régime de Joseph Kabila contre le rebelle Laurent Nkunda

 

En république démocratique du Congo, des combats violents opposent les forces gouvernementales loyalistes, les FARDC (Forces armées de la république démocratique du Congo), armée du régime du président Joseph Kabila,  au mouvement rebelle du CNDP (Congrès national pour la défense du peuple) de Laurent Nkunda. Depuis quelque temps, on aurait également constaté sur le terrain la présence d'agents en uniforme angolais. Il existe plusieurs hypothèses : il pourrait s'agir d'experts en renseignements venus en renfort auprès des forces loyalistes congolaises, ou d'éclaireurs lancés en préparation de conflits. Le régime de Luanda (capitale de l'Angola), serait donc également impliqué dans ce conflit, lequel prendrait ainsi une tournure régionale.

 

2. un conflit régional : l'implication de l'Angola

 

Quel est l'intérêt du régime angolais dans cette participation ? Rappelons que le conflit armé entre le CNDP et les FARDC qui pour le moment se situe dans la zone du Nord Kivu, plus précisément près de Goma, dans l'est de la république démocratique du Congo, se trouve à plus de 2000 kilomètres de l'Angola. En 1998, l'Angola était déjà venu au secours du régime congolais pour soutenir Laurent Désiré Kabila. (Celui-ci fut assassiné en 2001, et ce fut son fils, Joseph, qui reprit le pouvoir). Selon des sources proches de la diplomatie occidentale en RDC, dans le cas du conflit actuel, Kinshasa aurait demandé à l'Angola d'opérer une médiation diplomatique. « Les seuls enjeux militaires suffisent-ils pour expliquer l'implication de Luanda? » demande pourtant le Courrier international. En effet, en 1998, lors de la première intervention de l'Angola, le conflit qui menaçait la RDC était géographiquement bien plus proche de l'Angola.

 

3. redessiner la région pour mieux contrôler le pétrole ?

 

On peut y voir une volonté de Kinshasa de disposer d'une situation de force, avec l'aide de l'Angola, lors des négociations prévues avec le CNDP. On peut aussi penser aux enjeux géostratégiques pétroliers. D'ici 2015-2020, les importations américaines devraient connaître une forte croissance. Un changement de régime à Kinshasa pourrait mettre en place de nouveaux dirigeants, hostiles à l'Angola. Dans ce contexte, le régime angolais pourrait se sentir menacé par une nouvelle donne politique, isolant l'Angola et visant à maîtriser les ressources naturelles de l'ensemble de la région. Il faut aussi rappeler que les relations avec Washington sont ambiguës. Ces relations semblent bonnes aujourd'hui. Pourtant, l'Union nationale pour l'indépendance totale de l'Angola, l'UNITA, un mouvement rebelle au régime en place, a été soutenu par les Etats-Unis, ce que Luanda n'a pas oublié.

Par conséquent, avec la prise de Goma par le CNDP, on pourrait assister à une accélération de l'implication de l'Angola, par une intervention militaire.

 

4. un conflit ethnique : l'extension du génocide des Tutsis par les Hutus commis au Rwanda en RDC

Il est impossible de dissocier le conflit actuel du génocide qui a eu lieu au Rwanda en 1994. Laurent Nkunda est un ancien général de l'armée régulière congolaise. C'est aussi un tutsi. La ville de Kiwanja, apprend-on dans un article du Guardian écrit par Chris Mac Greal, a été prise au début du mois de novembre 2008 par le CNDP. Les habitants étaient accusés de soutenir des milices hutues. Les combats auraient été provoqués par un assaut des Maï-Maï, une milice de la région, et par les extrêmistes hutus du FDLR, le front de libération du Rwanda qui ont fui leur pays après y avoir commis le génocide des Tutsis.

 

 

5. une catastrophe humanitaire

Avec l'avancée du CNDP vers Goma, ce sont 2 millions de personnes qui ont dû fuir leur lieu de vie. A Kiwanja, ancien fief hutu, les rebelles tutsis de Laurent Nkunda se sont livrés à un véritable massacre des civils, et ont chassé parmi les 35000 habitants les survivants de chez eux. Un habitant, Simo Bramporiki, raconte : « Ils tapaient aux portes. Quand les gens ouvraient, ils les tuaient à coup de fusil ». Cet homme a vu ainsi mourir sous les balles du CNDP sa femme et son enfant. Un autre homme témoigne : « Ils ont tué ceux qui refusaient [de partir] ou ceux qu'ils soupçonnaient d'être contre eux (...) ils ont dit qu'ils m'abattraient su je ne filais pas tout de suite à Rutshuru (...) ».

 

   

6. L'inertie coupable de l'ONU.

 

Bien que la mission de maintien de la paix de l'ONU soit située à proximité de Kiwanja, et bien que son mandat prévoit la protection de la population, elle n'est pas intervenue. Les habitants de Kiwanja qui ont été chassés et forcés de se réfuger à Rutshuru ont traversé des kilomètres, femmes, enfants, animaux, sans protection, en pleine nuit, pour atterrir dans le stade de la ville sans vivres ni eau. Le 10 novembre 2008, Laurent Nkunda affirmait qu'il était prêt à combattre une éventuelle force africaine de maintien de la paix si elle était déployée dans la région. Bien que les casques bleus aient installé leurs postes de combats au nord de Goma, on constate que cela n'empêche pas Nkunda de prendre des positions, commettre des crimes de guerre, et d'avancer, car au-delà de Kiwanja, ce sont ensuite les villages Nyanzale et de Kikuku qui ont été pris. Depuis, d'autres villes ou villages ont peut-être connu le même sort que Kiwanja.

 

Sources :

L'Angola, meilleur allié du régime de Kinshasa, Le courrier international, édition du 13 au 19 novembre 2008.

Une sale impression de déjà-vu, The Guardian, Chris Mac Greal, repris par le courrier international, édition du 13 au 19 novembre 2008B

 

 

Publié dans Géopolitique

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