Quand l’accalmie en Irak a une odeur de poudre...

Publié le par labetepensante

 Sources :

 
- Baghdad Comes Alive, Rod Nordland, Newsweek 26 Nov 2007,

- The surge Draws Down, Rod Nordland, Newsweek édition en ligne, mise à jour 24 nov 2007  http://www.newsweek.com/id/72152

- Les attaques ont diminué dans la capitale, mais augmenté dans le nord, interview du chercheur Pierre-Jean Luizard, parue dans Le Temps (Suisse), 23 Nov 2007 (archive à accès payant), l’interview est reprise sur http://guerreenirak.canalblog.com/

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Dans le numéro de Newsweek du 26 novembre 2007, Le journaliste Rod Nordland nous livre la chronique d’un retour au pays en guerre. Depuis septembre, certaines choses semblent s’être suspendues. Depuis le mois d’octobre, il y aurait une accalmie en Iraq. Moins de violences, moins d’explosions, moins d’attentats, moins de morts parmi les troupes américaines, plus de sécurité, à Bagdad.

 

L’amorce d’un retrait de troupes américaines d’Irak

 

Je suis allée sur le site xxtra.newsweek.com pour y lire un article  du même R. Nordland, intitulé « The Surge Dorws Down », où l’on apprend qu’un mouvement de retrait des troupes américaines, promesse faite pas le Général Petraeus en septembre dernier devant le congrès américain, débute. La brigade concernée a commencé à se retirer mardi 27 novembre, le retrait annoncé devant s’achever en juillet 2008 (pour autant, est-il utile de préciser, il s’agit d’un retrait partiel, et non total des troupes). L’annonce a été faite samedi 24 novembre 2007 du retrait de la 3eme brigade de combat des forces US, 1ere Division de Cavalerie, soit 5000 hommes. Les troupes ne seront pas remplacées. La 3eme brigade de combat était stationnée dans la province de Diyala, au nord de Bagdad. Il y aura une relève néanmoins, par la 2eme Division d’infanterie, basée un peu plus au nord, dans la province de Sallahudin. Il s’agit du premier retrait important d’une partie des forces américaines. Diyala est une zone mixte chiite et sunnite – une des régions d’Irak les plus dangereuses. Avec le redéploiement de la 2eme division, ce ne sera pas moins d’hommes dans la région de Diyala, mais plus : 2400 hommes en plus

L’article explique que ce retrait est rendu possible par la combinaison de plusieurs facteurs : l’augmentation des troupes aurait porté ses fruits, les forces de sécurité irakiennes seraient mieux formées et plus efficaces, les citoyens irakiens eux-mêmes se sentent aujourd’hui plus engagés dans l’effort de relative pacification qu’on observe actuellement.

Je tiens mon hebdo Newsweek, je lis les mots de Nordland venus illustrer un air de paix fragile. Les bombes iraniennes, les batailles rangées entre communautés chiites et sunnites, les quartiers vidés de toute mixité, les attentats à la voiture piégée, les explosions, font partie du quotidien. Mais, depuis la mort d’al-Zarqawi, Al Qaïda a perdu son leader en Irak explique Nordland. Donc Al Quaïda aurait perdu du terrain. En temps normal, lorsqu’on revient en Irak, c’est pour voir qu les choses se sont empirées témoigne Nordland. Mais là ça n’était pas le cas. Le nombre d’explosions de bombes artisanales  aurait chuté pour atteindre son plus bas niveau depuis septembre 2004, soit deux fois moins depuis le pic de violence de cet été ; la guerre civile entre shiite et sunnite semblerait observer une trêve. A Bagdad, au mois d’octobre, aucun attentat à la voiture piégée n’a atteint son but, alors que la ville en comptait cinq par jour il y a encore quelque temps. Les boutiques et les marchés sont de nouveaux ouverts jusque tard la nuit. Les enfants jouent au foot dans les rues, les promeneurs redécouvrent les parcs de la ville, on peut dîner le soir en ville dans les mazghouf et y goûter de la carpe grillée pêchée dans les eaux du Tigre. Le zoo a même réouvert ses portes. « Les quartiers de la capitale ont été pacifiés dans une large mesure parce que chacun est maîtrisé par une secte ou une autre avec des dizaines de milliers de soldats américains les maintenant temporairement ensemble (ou bien les tenant à l’écart les uns des autres selon le cas) ». Un millier de mini « zones vertes » sécurisées auraient éclos. Les quartiers sunnites sont plus sécurisés, grâce à l’intervention de groupes civils d’iraquiens, 67000 en tout, payés et armés par le gouvernement militaire américain, pour un coût de 17 millions de dollars, « moins que le coût d’un Apache ».

 

Ameriya

 

Ameriya est un quartier à l’ouest de Bagdad au sein duquel patrouillent ces nouveaux groupes civils sunnites. L’ennemi d’hier est devenu l’allié d’aujourd’hui. Alors que troupes américaines se confrontaient à la rébellion sunnite, qui voyait sone existence menacée après la chute du régime de Saddam Hussein, et la constitution d’une police irakienne essentiellement shiite, américains et sunnites ont amorcé un rapprochement. Ameriya compte 25 000 habitants ; un bon nombre d’entre eux sont d’anciens officiers de l’armée de Saddam Hussein et ont fourni les rangs de l’insurrection. Aujourd’hui, les soldats américains du cinquième bataillon du cinquième régiment de cavalerie patrouillent sans plus craindre de se faire tirer dessus, et son font saluer par les locaux. Le Lieutenant Colonel Dale Kuehl raconte cet épisode improbable ou il a pénétré dans une maison du quartier entourée de sunnites,  insurgés. Kuel se souvient que les choses auraient pu prendre alors une tournure inverse. Le Cheikh Waleed Al Asawee avait alors demandé leur aide aux américains dans une confrontation de ses gens contre les combattants d’Al Quaïda, des shiites qui avait tenté le kidnapping de trop. Désormais, sunnites et américains échangent leurs tactiques et leurs techniques. Autrement dit, si la zone est pacifiée, c’est largement dû au fait qu’elle est quasi exclusivement sunnite. Pour preuve, les sunnites d’Almeriya n’ont jamais autorisé l’implantation de la police irakienne sur leur territoire. Pour autant, la paix relative est aussi le fait du cessez-le-feu respecté par les groupes shiites sous contrôle, comme l’armée Mahdi. L’objectif de la manœuvre est d’enrôler le plus possible de volontaires sunnites dans l’armée et la police irakiennes, et de les maintenir dans leurs zones. Il n’en demeure pas moins que le sentiment de relative sécurité des civils de Bagdad reste confiné pour chacun à son quartier, et que les déplacements dans les zones intermédiaires sont toujours vecteurs de crainte.  

 

 

Le palmarès des zones les plus meurtrières pour les troupes de la coalition :

Salahadin : 62 morts en 2007

Diyala : 117 morts

Anbar : 159

Bagdad : 394

 

Entre 77.333 et 84.250 civils ont été tués depuis l'invasion américaine en mars 2003. D'autres estimations sont plus élevées.

 

 

Pacification relative ou bombe à retardement ?

 

J’ai voulu savoir si cette pacification fragile était réelle. Je suis tombée sur ce site : http://guerreenirak.canalblog.com/ , entièrement dédié à la guerre irakienne. L’intérêt du blog, et c’est très précieux, est d’indiquer le niveau de fiabilité des sources citées. Ainsi une dépêche AFP aura un indicateur de fiabilité élevé, alors qu’une source militaire américaine aura un niveau de fiabilité moyen. Le blog reprend une interview du chercheur au CNRS Pierre-Jean Luizard donné au quotidien suisse Le Temps, qui relativise la portée de cette accalmie, en rappelant que si le rapprochement avec les sunnites semble être la nouvelle orientation de la politique américaine en Irak, c’est en partie sous condition que ceux-ci se retournent contre Al Quaïda, et que, par ailleurs, ce n’est que parce qu’elles sont séparées et protégées derrières des murailles (mais on découvre encore, à Bagdad, une dizaine de corps mutilés chaque jour) que les communautés sont moins en danger. Mais il ne s’agit de rien moins qu’une politique de réarmement d’une communauté, celle des Sunnites. PJ Luizard souligne aussi que toutes les zones ne sont pas touchées par cette accalmie des conflits. Selon lui, « le fait d’armer des groupes locaux est loin d’être une solution ». Il émet des doutes sur la perte de vitesse du réseau Al Quaïda, car la confrontation entre sunnites et chiites, et le réarmement des premiers, va dans le sens de sa stratégie du chaos. Quant aux annonces de  retour de réfugiés irakiens, cela ressort à de la propagande que mènent les Américains, aucun retour de réfugiés n’ayant été observé.

 

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Publié dans Géopolitique

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