Bilan mitigé et dérapages incontrôlés de la mondialisation financière


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Dans un numéro de l’hebdomadaire britannique The Economist, publication d’obédience libérale, on pouvait lire ceci : « Désastres financiers périodiques, crises de la dette, fuite des capitaux, crises de change, faillites des banques, krachs boursiers, c’est assez pour forcer un bon libéral à s’arrêter pour réfléchir »

 

Quelques chiffres

 

Le volume des transactions financières internationales a été multiplié par 7 sur ces 25 dernières années.

Soit 6000 milliards de dollars,

Ou 15% du PIB mondial

selon données de McKinsey Global Institute

 

 

Les grandes étapes de la mondialisation financière

 

  • Fin de la seconde guerre mondiale – les accords de Bretton Woods

avaient pour but de mettre fin à la spéculation à court terme sur les capitaux qui avaient déstabilisé l’économie mondiale dans l’entre-deux guerres. Le financement de l’économie sera désormais organisé et contrôlé par les nations en vue de limiter la circulation des capitaux. Un système de changes fixe est décidé.

 

  • les années 50 – libéralisation des règles de Bretton Woods sur les mouvements de capitaux

déclin de l’économie britannique, dépréciation de la livre face au dollar

La place financière de Londres va relancer son activité avec la mise en place de dépôts et prêts en dollars, en dehors des Etats-Unis, dans un premier temps, pour financer le commerce international, dans un second temps, l’internationalisation des investissements.

 

  • Les années 70 – libéralisation des taux de changes

Les Etats-Unis, plutôt que de contenir leur croissance et de diminuer leurs importations, ce qui cause des tensions sur le dollar, dévaluent leur monnaie, et mettent fin au système de change fixe.

Les avantages escomptés :

Il faut supprimer les déséquilibres des échanges extérieurs. Si un pays en croissance voit les capitaux affluer, sa devise va s’apprécier, ce qui rééquilibre le solde extérieur. Puisque les taux de changes sont libérés, il n’est plus utile d’augmenter les taux d’intérêt, donc de renchérir le coût de l’argent, ce qui profite à la croissance et à l’emploi.

 

  • Les années 80 – libéralisation du financement des déficits publics

 

Le ralentissement de la croissance entraîne une augmentation des déficits publics, qu’il faut alors pouvoir financer autrement que par les taxes. En 1980, les émissions d’obligations internationales se montent à 38 milliards de dollars. En 1982, elles passent à 71,5 milliards. L’idée est de maîtriser les risques financiers en leur permettant de mieux circuler.

 

 

 

Néanmoins, les transactions de change n’ont pas pour but principal d’équilibrer les balances des échanges extérieurs, mais bien celui de faire levier dans la guerre économique. Les transactions sur les changes représentent 800 000  milliards de dollars par an. Le commerce international, 12 000 milliards de dollars. Le rapport entre les deux parle de lui-même.

Par exemple, les pays émergents d’Asie n’ont en effet pas intérêt à ce que le dollar se déprécie, car une telle dépréciation rendrait leurs exportations moins attractives. Les banques nationales préfèrent racheter du dollar et gonfler leurs provisions dans cette devise.

ON voit donc que les Etats ont largement contribué, de par leurs politiques monétaires, de par la libéralisation du financement des déficits public, à la mondialisation de la finance. Les acteurs financiers, les banques, les ont suivi.

 

L’expansion des flux financiers internationaux s’est accompagnée d’une montée des risques et d’une plus grande difficulté à les contrôler du fait de l’opacité croissante des flux financiers. 

 

Deux grandes institutions internationales sont censées réguler la mondialisation financières : le Fonds Monétaire International, et la moins connu Banque  des règlements internationaux.

 

Le FMI : surveillance des Etats

 

Un principe de surveillance des politiques de changes des états par le FMI a été mis en place à parti des années 60. Les Etats membres du FMI pouvaient consulter celui-ci, pour résoudre les situations de déficits ou d’excédents commerciaux trop importants, comme c’est le cas pour les Etats-Unis dans la première situation, et la Chine dans la seconde.

 

Mais ce principe na jamais pu être appliqué efficacement, car il ne prévoit pas de mesure coercitive d’une part, et parce que les Etats tiennent avant tout à leur indépendance en matière de politiques économiques et budgétaires d’autre part. Les Etats-Unis en tête. Ceux-ci ont par contre régulièrement  instrumentalisé le principe de surveillance à l’encontre de la Chine et de sa devis trop faiblement réévaluée, causant un persistant déficit extérieur américain.

 

La BRI : surveillance des banques

 

La BRI a été fondée en 1930 pour régler historiquement la question des réparations allemandes, et aussi favoriser la coopération entre les banques centrales des Etats, voire, leur apporter des financements en cas de besoin. C’est à partir des années 70, avec la libéralisation des taux de change, qu’elle acquière un rôle de régulateur.

Dans les années 70, avec la libéralisation des taux de changes, certaines banques se risques à des paris sur les devises, et perdent. En 1974, c’est la cas de la banque autrichienne Herstatt, et de la Franklin National Bank américaine.

 

Or, une crise du système bancaire impacterait directement l’économie, ce que les gouvernements craignent.

En 1974, le Comité de Bâle est donc chargé de réglementer le système bancaire international au travers des « accords Bâle 1 ». Ceux-ci prévoient que les banques devront provisionner un certain montant de capital pour tout crédit risqué. Si les banques européennes s’y sont soumises, elles ont également trouvé des voies de contournement. Pour autant, ces accords, et leur suite, « Bâle 2 », ne garantissent  pas une meilleure maîtrise des risques, ce que la crise des crédits immobiliers américains « subprime » (voir article sur ce blog « Immobilier américain : crise et châtiment financier ») a démontré.

 

En cause : une complexité et une opacité accrûe des opérations de financement de crédits. Les banques ont mis en places des outils leur permettant de diluer les risques de crédits (voir article sur ce blog sur la tritisation).

Mi novembre 2007, les experts de la Deutsche Bank estimaient les pertes à 300 à 400 milliards de dollars, ce qui entraîne un forte diminution du capital et incite les banques conséquemment à allouer moins de crédit, impactant ainsi l’économie.

 

Si une autre crise financière advenait, le système financier mondial serait dans une grave crise.

Ce que l’on constate, c’est que les autorités bancaires internationales, ni le FMI, ni la BRI, ne sont capables de réguler, et même de suivre les circuits financiers, car les banques, en prenant des risques, créent des produits financiers, ou titres, eux-mêmes confondus dans d’autres produits financiers par les organismes acheteurs de ces titres, d’où une dissolution du risque initial, entraînant, en cas de non solvabilité généralisée, la chute de l’ensemble des acteurs.

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Sources : Hors-série Alternatives économiques n° 75 1er trimestre 2008

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